Alors... L'histoire de Fly.
J'avais douze ans, un an d'équitation dans les pattes, même pas. Mais mon père adore les chevaux, donc il saute sur l'occasion, achète un cheval, pour moi et ma soeur, chez un pote marchand de chevaux. C'est Caline. Sauf qu'elle vit au pré depuis perpette, avec d'autres chevaux, et toute seule dans un pré elle dépérit vraiment. On cherche alors un autre cheval, très très rapidement.
Et puis il y avait ce pur-sang anglais, dans un village près de chez moi. Magnifique. Malgré ses pieds immondes. On c'était déjà arrété sur le bord de la route, en voiture avec mon père, juste pour le regarder. Tellement il était beau.
Le marchand qui nous a vendu Caline nous recontacte car il savait qu'on cherchait un cheval, même immontable, pour tenir compagnie à notre nouveau dada. Il nous dit qu'un homme veut lui refourguer un cheval, 10 000 francs (1 500 €), mais dans un sale état, pas montable, vraiment une mauvaise affaire. Mais au cas où, il préfère nous prévenir. Vu la description et le prix, c'est hors de question. Quelques jours passent, il retéléphone. Le cheval part à la boucherie car personne n'en veut. Il est à vendre le prix de la viande, 2 500 francs (375 €), équipement comprit (selle équipée, bridon). Là, le prix est plus raisonnable, on daigne se déplacer. Et c'est Fly, le cheval du bord de route ! Partir à la boucherie ? Certainement pas ! On ne met pas longtemps avant de se décider, bien que le marchand nous dit qu'il sera surement immontable, que le proprio nous dit qu'il peut être monté mais pas beaucoup, et qu'il faudra qu'on achète des éperons, une martingale, qu'on change de mors, qu'on évite de faire de l'extérieur, etc. Ce n'était pas grave s'il était immontable, on l'achetait juste pour compagnie pour Caline.
Nous voilà donc avec Fly, le 5 mai 1999, une semaine jour pour jour après avoir acheté Caline (c'était tous les deux des mercredis), et par le plus grand des hasards. Je passerais sur les difficultés rencontrées sur Caline, même s'il y en avait plus d'une puisque c'était une jument de pré, et "menée à la dure" (peur bleue des cravaches !), car je parle ici de Fly.
Effectivement, les premières semaines sont très dures. Il fait des demi-tours incontrolés au grand galop pour revenir à fond dans son pré, même s'il est à plusieurs kilomètres, pour une cavalière n'ayant jamais fait d'extérieur, ça change beaucoup ! Je n'ai jamais voulu lui mettre de martingale ni d'éperon, car je n'avais pas la fixité des jambes nécessaires, et il était beaucoup trop sensible pour en avoir besoin. Et canaliser par une martingale un jeune cheval (il avait 4 ans !) foufou, c'est normal qu'il finisse par péter le feu ! Par contre, j'avais un mors très dur, et bizarrement tout s'est arrangé le jour où j'ai décidé de le changer pour un mors à olive. Petit à petit, on a progréssé, il ne faisait plus de demi-tour, il gardait le pas, et notre relation grandissait. De mon côté (Caline a beaucoup aidé aussi, lol), je me faisait une assiette d'enfer (même si Fly était loin d'être vicieux : il pense à son confort, mais pas à l'inconfort de son cavalier).
Une cure de biotine a suffit à lui donner de bons pieds, même s'il n'est jamais doué pour garder ses fers et que ses pieds sont vraiment son talon d'achile. Pas grave, je l'aime avec ses pieds en gruyères (il est à nouveau sous biotine depuis hier et déférré la plupart du temps...). Mais rien d'immontable.
Le marchand de chevaux à revu Caline et Fly un an après : il a voulu les racheter tous les deux, le double du prix initial ! Devinez ma réponse ?
Mon grand-père, qui s'y connait un peu en chevaux, me disait que Fly, c'était une erreur de l'avoir acheté. C'est finalement devenu son préféré des deux, il avait toujours droit à des friandises, il disait "il s'est bien fait ce cheval !". J'étais trop fière, de mon cheval, mon cheval que j'avais sauvé, mon cheval que j'aimais, qui m'aimait, tout était parfait.
Bref, tout aller bien dans le meilleur des monde, j'avais trouvé le cheval parfait, j'évolué en même temps que lui, après un an j'ai reprit l'équitation en club (sur des chevaux de club) pour progresser encore...
Et là, il y a eu l'Accident. Une fois, un hiver, au pré. On ne sait pas ce qu'il a eu, il a sûrement fait le fou. Il s'est arraché un glôme à l'antérieur. Ca saignait, l'herbe du pré était entièrement rouge. C'était le soir, on a appelé le véto de garde. C'était un chien/chat. Il nous a mit un bandage, notre véto nous a dit que s'il avait laissé à l'air libre, la blessure aurait guéri en une semaine (le bandage a contribué à l'aggrandir). Enfin, l'erreur est humaine, je ne lui en ait jamais voulu, les chevaux s'était pas sa spécialité. N'empèche...
La blessure ne cicatrisait pas, la zone ne permettait pas de recoudre. Il a fait de la granulation fongueuse. C'est-à-dire qu'au lieu que la peau repousse normalement, fasse une belle cicatrice, elle repoussait sans se rapeller sa forme initiale, poussait, poussait... et formait ainsi une grosse boule. A l'antérieur, il se l'arrachait donc forcément à chaque mouvement du postérieur. Et ça resaignait, il reboitait...
Cheval foutu, immontable, boiteux à vie, souffrant à vie ? On y a cru, tout le monde y a cru, seulement moi je ne voulais pas y croire. Il refusait les traitements, les désinfectants qui piquent. Ni le véto, ni mon père, n'arrivait à lui appliquer. Il n'y avait qu'avec moi qu'il se laissait faire. J'étais fière : quoi de plus belle preuve d'amour ? Il me l'avait déjà fait pour la gale de boue (pareil, ça pique comme bobo !), mais là c'était une question de vie pour lui ! Je refusais de lui appliquer les produits qui piquaient le plus, histoire de ne pas le trahir. Mais mon père parlait de l'ammener à la boucherie, moi je pleurais, et puis je regrettais.
J'avais toujours révé de faire de l'obstacle avec lui. J'en faisais régulièrement en club, mais ce n'était pas pareil. Ce n'était pas avec mon cheval. J'étais sur qu'il apprécierait. Alors pourquoi avoir attendu ? Maintenant c'était foutu, il souffrait, peut-être pour toujours, peut-être que jamais je ne le remonterais, alors le saut, c'était vraiment foutu.
On lui faisait des bandages, il se les arrachait. On mettait une cloche par dessus, il se l'arraché. On l'a enfermé au box, 48h de suite, en le lachant 5 minutes tenu en longe au pas chaque jour, il pété les plombs, mon père le tenait il s'est débattu, est parti en coups de cul, un coup de pied (ferré) dans la tête de mon père. L'hopital, un oeil en moins. Du coup, Fly était passé d'invalide à méchant. C'était le méchant cheval, blessé, dangereux, immontable, tout. Forcément, c'était mon père qui m'ammenait tous les soirs voir mon cheval, là il n'y avait plus personne. Mon oncle s'en occupait, mais je n'avais pas le droit de venir tous les jours. Trop dangereux. Pourtant, le jour de l'accident, mon père ne voulait pas que je l'accompagne, car il faisait trop froid. J'avais tellement insisté qu'il m'avait tout de même prit. J'étais seule avec lui, si je n'avais pas insisté comme une bourrine, il se serait trouvé tout seul ensanglanté dans un pré au milieu de nul part. Mais qu'importe, c'était trop dangereux pour que je vienne !!!
On a reparlé de la boucherie. Je n'en pouvais plus, je pleurais. Jamais devant les gens, mais chaque fois que j'étais seule, tout le temps. Je ne pouvais pas vivre sans mon cheval. Et puis, il n'avais pas fait exprès, c'était évident ! Et puis, il était toujours blessé...
Du coup, on ne l'a plus mit au box. C'est mon père, en sortant de l'hopital, qui m'a dit qu'on le garderait. Après plusieurs jours quand même. Il n'était pas sûr de lui. Mais il m'avait déjà surprise en train de pleurer, avant l'accident, dans les bras de Fly, parce qu'il était blessé. Par contre, pendant longtemps, il a eu peur de Fly, de se retrouver derrière lui. Il ne le disait pas, mais c'était flagrant... et normal.
Après, j'ai pensé à un truc. Il bouffait ses bandes, sa cloche. J'ai mit de la citronelle (produit anti-mouches dessus), il n'y a plus touché. Youpi !! Ainsi, il a finit par guérir. Mais il avait toujours cette boule au glôme. On ne le montait plus, parfois il saignait (très régulièrement, au moins une fois par semaine), sûrement quand il avait galopé. Mais on ne bandait plus puisqu'il n'y avait plus besoin, la blessure séché à l'air libre car n'était plus aussi profonde qu'avant. On ne pouvait pas lui laisser de cloche tout le temps, car même si ça le protégeait un peu, ça finissait par frotter sur la boule et l'irriter.
L'accident de Fly s'était passé en automne, celui de mon père en hiver. On a stagné jusqu'en été. Là, j'étais en vacances en famille, comme chaque fois c'était mon oncle qui s'occupait des chevaux pendant mon absence. Là, rebelote, pendant les vacances, il s'est blessé dans son pré, il s'est arraché sa boule, le pré tout rouge, le cheval était couché et ne se relevait plus. Le véto est venu. Elle a prit un couteau, et elle a coupé cette boule qui pendouillé lamentablement. Et on a tout recommencé. Il n'avait plus sa boule, on ne voulait plus qu'elle pousse. Les bandages, on les faisait à la limite "garrot" en serrant comme des tarés, pour qu'elle n'ait pas la place de revenir. On cherchait dans les livres, sur le net... On connaissait le nom de sa maladie, granulation fongueuse, ce n'était donc pas dur de chercher ! Mais de trouver, si ! Ce n'est pas si rare chez le cheval, mais sur cette zone-là, si ! Donc on cherchait, on lui montrait ce qu'on trouvait, elle l'analysait et quand elle revenait, elle nous disait si c'était bien ou pas. A défaut, on a essayé même si elle n'était pas sûre. On a aussi essayé l'homéopathie. Elle ne nous facturait même plus ses déplacement (45 € chaque fois !), le prix des bandages et des produits nous revenant à très très cher, sans parler du cheval qui ne se montrait pas toujours coopératif (toujours avec les bandages...).
Et puis ça y est, c'est partit, c'est fini. En fin d'automne. Il a une petite boule, un glome difforme on va dire, mais il ne se blesse plus que une à deux fois par an, quand il fait vraiment le cake dans son pré ou quand il se prend dans des branches en forêt. Il a quatre poils dessus. On était très contents de les voir pousser, mais il n'y en a jamais eu d'autres lol.
J'ai prit la cotisation pour la carrière à côté de chez moi, on a fait du saut, et il adore ça. On s'est aussi essayé au dressage, et là je me suis rendu compte que depuis ses 4 ans, faire que de l'extérieur, ça lui avait bousillé sa souplesse lol. Pas grave. Il n'est pas doué non plus en saut (puisque le dressage est la base de tout), mais il adore. Il speed en voyant la carrière (sauf si on a fait dressage dedans la veille, lol), on saute aussi des obstacles naturels maintenant (on passe exrpès là où il y a des troncs qui bloquent le passage ^^)
J'ai réalisé mon rêve avec mon cheval, car j'ai apprit qu'il ne fallait pas attendre pour les réaliser. Ca a prit un an, un an de calvaires, de doutes, de pleurs. Fly est resté "le méchant". Mon père a déjà parlé de le vendre. Et de garder un poulain à la place. Mais ce n'est pas un cheval, c'est MON cheval. Je l'aime et il m'aime, je n'ai pas vécu tout ça pour qu'on me le retire.
Voilà l'histoire de Fly.